« Merde !Tu aurais dû être mieux informé ! Maintenant, les flics vont savoir où le trouver… »
Je viens de me réveiller en sursaut. Ces mots sont les premières paroles que j’entends. Elles sont suivies de deux coups de feu assourdissants, puis c’est le silence. Cela venait de la chambre du dessous. Je me tourne vers mon réveil. Il affiche 6h37.
Les premières lueurs du jour pointent le bout de leur nez dans mon petit appartement de 10 m2 de la banlieue new-yorkaise. Un quartier qui craint, comme certains disent. Pourtant, moi, je m’y sens bien. Certains pensent que ce n’est pas du grand luxe, mais c’est mon cocon : petit, mais avec le strict nécessaire pour une vie confortable.
Je me suis levée, j’ai rapidement mis un jean et un t-shirt blanc, puis j’ai enfilé une paire de baskets rouges.
Ici, les disputes sont habituelles, les coups de feu le sont tout de même moins…
L’occupant de la chambre du dessous s’appelle Malik. Un bon petit gars d’une vingtaine d’années originaire d’Algérie. C’est l’un de mes potes. On va souvent au skate-park devant l’immeuble ensemble.
Je viens d’arriver devant sa chambre. La porte est entrouverte. On dirait qu’elle a été forcée. J’entre, et sur le sol, gît Malik, couvert de sang. Je m’approche de lui. Un léger souffle sort de sa bouche entrouverte. Il n’est pas mort !
Je me saisis alors d’un drap qui traîne pour faire un point de compression sur sa blessure comme je l’ai vaguement appris pendant une formation au secourisme. Maintenant, les flics vont savoir où le trouver… Mon père m’avait toujours dit de retenir ce numéro, en cas d’urgence… Il avait raison !
Je suis sous le choc. Elles sont suivies de deux coups de feu assourdissants, puis c’est le silence. Quoi que… Ces derniers temps, il avait changé… Il était devenu plus distant…
Qu’est-ce qu’il avait bien pu faire ? Il aurait dû être mieux informé à quel sujet ? Les flics vont savoir où trouver quoi ? Tant de questions se bousculent dans ma tête, et pourtant, je dois garder mon calme. Il a toujours ce faible souffle de vie en lui. Ce n’est pas grand chose, mais ce sera peut-être suffisant. J’ouvre rapidement la fenêtre du balcon pour avoir un peu plus d’air, puis je reviens auprès de Malik, pour maintenir la pression sur sa plaie.
C’est alors que les lèvres de Malik commencent à remuer. J’approche mon oreille droite près d’elles, et il murmure :
« Tu te rappelles ? Basho, ce qu’il disait ? Il disait : Rien ne dit
dans le chant de la cigale
qu’elle est près de sa fin. »
Il s’arrête un instant, puis il reprend, avec un soupçon d’inquiétude à peine perceptible :
« Derrière… ».
Je me retourne. Dans l’encadrement de la porte se tient un homme blanc à la stature imposante. Je m’en fais une rapide description : une quarantaine d’années, cheveux gris, yeux bleus, en costume… Ce n’est pas vraiment le genre de gars avec qui j’irai traîner, c’est plutôt le genre qui fait froid dans le dos…
J’aperçois alors un reflet sur un mur… le reflet d’une arme.
Je réfléchis un quart de seconde et je décide de prendre la fuite. Je me rue à travers la fenêtre du balcon ouverte et j’atterris sur l’escalier de service. Au moins, je me rends compte que les entraînements de muscu n’étaient pas inutiles.
L’autre me prend en chasse. Je commence à dévaler l’escalier en courant lorsqu’il me crie : « Eh ! Crâne d’œuf ! C’est est fini pour toi, le black ! ». Un coup de feu part. C’en était fini.