Géants, estaminets et coulons

Géants, estaminets et coulonsParmi les caractéristiques du Nord, indiscutablement, le sens de la fête que possèdent les gens, la vie associative qui règne, ainsi que le goût du jeu sont des plus importants. Ce pays est également le pays de l’estaminet.

Dans cette société où la vie est principalement consacrée au travail, la fête apporte la diversité et exprime une forme de sociabilité différente de celle de la vie de groupe ordinaire. Aussi, les occasions ne manquent pas pour exprimer la joie populaire, grâce à un calendrier qui est jalonné de dates importantes.

La fête la plus traditionnelle, la plus répandue aussi, c’est la ducasse. A l’origine, c’était la dédicace de l’église, qui se célébrait le jour de la fête du saint patron. Le caractère religieux a été parfois conservé : messe, procession, pèlerinage… Si la ducasse prend un caractère laïc, on l’appelle kermesse. Cela la réduit parfois à une simple fête foraine. Dans une même ville, il y a souvent, le dimanche qui suit la ducasse principale, le « raccroc », seconde partie de kermesse. Enfin, à côté des ducasses principales, il y a les ducasses de quartier.

Ce jour-là, parfois, il y a un carnaval, à moins que ce ne soit le jour du mardi gras… Ces derniers ont pour origine les processions, qui réapparaîtront au XIXe siècle sous forme de cavalcades. Plus tard, les géants feront ou referont leur apparition.

Les géants à eux seuls prouvent l’originalité du folklore des Pays-Bas Français. Ils sortent à l’occasion de certaines fêtes spécifiques: fête des louches (Comines), du houblon (Steenvoorde), du Bouzouc (Berlaimont), de Pierrot Bimberlot (Le Quesnoy)… Mais c’est surtout lors des carnavals du mardi gras, de la mi-carême ou des carnavals d’été qu’ils défilent. 88 villes du septentrion possèdent au moins un géant, cet immense mannequin d’osier que des hommes cachés sous d’amples jupes font marcher, virevolter. Il serait impossible de les nommer tous ici, tout comme il serait impossible de donner tous leurs liens de famille car ces personnages se marient entre eux et ont même des enfants. En voici tout de même quelques-uns: Reuze papa, Reuze maman, Gargantua, Tisje-Tasje, Gayant…

Tout carnaval n’a pas son géant, et pourtant ils sont aussi célèbres : celui de Dunkerque avec ses islandais ; celui de Solesmes et ses seringueux… . Ces carnavals sont l’une des meilleures illustrations de la fête. Les cortèges y sont l’une des meilleures illustrations de la fête. Les cortèges y sont importants. On y voit défiler, outre le géant ou les géants, quand ils sont présents, la ou les musiques locales, les chars, des groupes de la ville et d’ailleurs…

Autre fête traditionnelle qui trouve ses racines également dans le passé en défiant le temps : la braderie. C’est un genre de grand marché libre se déroulant sur les trottoirs d’une ville, principalement consacré au vidage des greniers. Mais avant tout, c’est une immense fête populaire, où le marché n’est qu’un prétexte.

La reine des braderies est celle qui se déroule, le premier dimanche de septembre, à Lille. Tout le centre de la capitale régionale est bloqué ce jour-là. Trottoirs et rues sont noirs de monde. Vendeur, tout le monde peut l’être, acheteur et badaud, tout le monde l’est. Pendant le temps que se déroule cette manifestation, chacun déguste le traditionnel moules-frites, arrosé d’une bière. Ceci a pour conséquence d’offrir une décoration de montagnes de coquilles vides au coin des rues, sur les trottoirs.

Les foires, elles aussi, restent bien vivaces : foire aux mouches d’Avesnes, foire à l’ail d’Arleux, au cresson de Lécluse: ainsi que certaines fêtes ou festivals: festival de l’andouille à Aire-sur-la-Lys, festival de la bêtise à Cambrai, fête du poisson à Boulogne-sur-mer…

Dans ce pays, où les enfants et le travail sont rois, c’est durant les mois d’hiver que se déroule toute une série de fêtes typiques. Le 1er décembre, jour de la Saint-Éloi (patron des métallurgistes, forgerons. et cultivateurs) est journée chômée et payée dans de nombreux secteurs. Sainte-Barbe, le 4 décembre, est la journée des mineurs. Ces journées sont l’occasion de banquets et de diverses manifestations.

Le 6 décembre, c’est le jour des enfants, et plus précisément des garçons (Sainte-Catherine étant fêtée ici pour toutes les filles qui ne sont pas encore mariées, et pas seulement pour les personnes de 25 ans). Saint-Nicolas déposera ce jour-là des jouets et des friandises à la place de la carotte pour son âne ; à moins que ce ne soit le père fouettard qui dépose un martinet (chose peu probable). Cette journée est aussi la fête de tous les étudiant,. et ainsi Lille se transforme en un immense champ de bataille (bataille de farine).

Autre fête destinée aux enfants, la Saint-Martin. Ce jour-là, ils sortent en portant une lanterne et en chantant des airs qui varient d’un endroit à l’autre. Les lanternes, les plus traditionnelles, sont creusées en forme de tête dans une betterave que l’on porte au bout d’un bâton. Dans le Boulonnais, c’est ce même lampion qui sert lors de la fête des Guenels, le 24 décembre. Ce jour-là, les enfants quêtent de porte en porte. Autre coutume imaginée par les tisserands, la fête des allumoirs, car ils devaient à une certaine époque de l’année utiliser la lumière artificielle. C’est une fête constituée par un cortège d’enfants qui portent des allumoirs au bout d’un bâton.

La vie associative a, dans toute la région, une importance considérable. Peut-être est-ce dû à la solidarité qui règne dans ces contrées, que sont nées : associations, sociétés, comités, clubs, amicales…

Par exemple, les sociétés musicales sont nombreuses. Chaque commune se doit de posséder son harmonie municipale. Il en est de même des clubs de gymnastique, des clubs de supporters…

Terre de folklore, les coutumes y sont nombreuses, à l’image des jeux que l’on peut rencontrer. Le café (descendant de « l’estaminet ») joue à merveille son rôle de réconfort face au travail et au climat. C’est aussi un lieu de fête et de rassemblement. Bon nombre d’associations ont leur siège dans un café, à l’exemple des « coulonneux ».

La colombophilie était déjà connue des assyriens, mais ici, la pratique ne connut son essor que vers 1890. Actuellement, les éleveurs de la région sont plus nombreux à eux seuls que tous les colombophiles de France. Le « coulonneux » (celui qui élève des pigeons) participe à des concours. Concours à trois courses: vitesse où le lâcher s’effectue à moins de 250 km du pigeonnier ; le demi-fond entre 250 et 550 km et le fond pour des distances supérieures. La mise en panier des animaux se fait au siège de l’association. De là, les oiseaux prendront le train pour se rendre sur le lieu de départ. Pour l’éleveur, ce sera l’attente devant le pigeonnier, après le lâcher. Pour que le pigeon revienne plus vite, le « coulonneux » a pris soin d’envoyer des pigeons qui ont subi le veuvage, qui sont jaloux, la femelle qui a des jeunes… Une fois de retour dans le pigeonnier, l’éleveur enlève de la patte, la bague qu’il introduira dans un constateur pour connaître le temps de vol.

Chaque bête doit être déclarée, car elle pourrait avoir une utilité en cas de conflit. D’ailleurs, cet animal a son monument, dans Lille, pour ses exploits lors de la guerre 1914-1918. Le plaisir des « coulonneux » est toujours aussi intense, même si l’urbanisation, fait régresser le nombre d’amoureux de ce jeu.

Les autres jeux et sports traditionnels se maintiennent plus ou moins suivant le jeu, la région. Mais apparemment, il y aurait une renaissance de la plupart d’entre eux. Le pigeon n’est pas le seul animal utilisé pour des jeux dans la région, L’un des plus difficiles à voir est, certainement, celui des combats de coqs. Pourtant, en métropole, c’est le seul endroit où l’on peut assister à ce genre de combat (aux Antilles, les combats sont beaucoup plus libres). La saison des combats est de décembre à juillet, donc le « coqueleu » doit préparer ses coqs pour cette période grâce à divers procédés. Le combat se déroulera par catégories de poids, avec le coq armé d’ergots en acier, dans un gallodrome.

Autre jeu à base d’animaux, les concours de pinsons. On ne brûle plus les yeux de ces oiseaux comme auparavant, mais on utilise des cages aveugles afin de faire chanter le pinson. Le but du jeu consiste à ce que le pinson fasse le plus grand nombre de trilles dans l’heure (on aurait déjà vu des oiseaux lancer 1 000 finales de chant en une heure). Les canaris ont eu aussi leur tour de chant, qui est au nombre de 6 actuellement.

La décapitation de l’oie est un sport qui ne se pratique plus guère. Nouvel animal mis à contribution, le chien, notamment lors des concours de chiens ratiers. Ce jeu peut être de deux types : de vitesse (le chien doit tuer le plus rapidement possible 2 rats dans une cage) et le concours au pot (un rat est caché sous un des 6 ou 7 pots et le chien doit le trouver et le tuer en un minimum de temps).

On peut classifier les autres jeux entre les lancers, les frappes et les tirs.
Les lancers sont principalement des jeux de boules : la bourle ou boule flamande (roue de trente centimètres), la boule au fossé (boule que l’on lance le plus près d’un but en utilisant 4 fois les rives du bouloir fortement incurvé), les boule en bois ou des jeux de quilles (du haut pays d’Artois, à 9 quilles, à 5 quilles, en ligne…).

Autre jeu de lancer, le billon qui est une sorte de massue en bois que l’on doit placer le plus près possible d’un piquet, l’introduire entre 2 piquets, l’enfourcher dans un râteau, dans une bague…suivant le lieu où on y joue. Quelques jeux de lancer d’intérieur subsistent encore, comme le jeu de bouchon qui consiste à abattre des bouchons en liège ou en bois à l’aide de pièces de métal. Autre jeu d’intérieur, mais cette fois-ci qui appartient au tir : le jeu de fléchettes. Le javelot, qui se joue en extérieur, est un genre de fléchette, en plus gros (son poids varie de 280 g à plus de 400 g). L’arme de tir la plus répandue est certainement l’arc. Deux variantes de ce jeu sont possibles: tir à la perche ou aux oiseaux (tir vertical) et le tir au berceau (horizontal). Autre arme de tir proche de l’arc : l’arbalète.

Les jeux de frappe sont encore très populaires. Par exemple, la coupe de France de jeu de paume est remise chaque année. Mais ce jeu rendu célèbre, s’il le fallait, par le serment du même nom, n’éclipse pas le jeu de crosse qui est l’ancêtre du golf. La choulette (autre nom du jeu de crosse) se pratique sous deux formes : la crosse au but et la crosse en plaine.

Le jeu de guise (à l’aide d’un bâton, on envoie le bâtonnet en l’air, et on le reprend de volée en essayant de l’envoyer le plus loin possible) n’est que très local.

D’autres jeux ne peuvent être classés. Il s’agit des joutes nautiques et du jeu de la lance mouillée. Pour ce dernier, une personne armée d’une lance passe sous un portique, sur lequel est posé un baquet rempli d’eau. Si, lors de son passage, elle ne réussit pas introduire sa lance dans un trou prévu à cet effet, le baquet se déverse sur elle.

Tous ces jeux sont concurrencés par différents sports et notamment le football (masculin et féminin), le hockey sur gazon, le char à voile, le speed-sail, mais là encore, le fait d’assister à un match, une épreuve, d’être supporter n’est-il pas une forme de fête?

Dernière forme de jeu, de fête, c’est un jeu théâtral : les marionnettes, qui pendant longtemps firent la joie des petits comme des grands, commencent à refaire leur apparition.

Les étudiants, principalement à Lille, ont aussi leur fête à eux : les « zinzins ». Ce sont des soirées dansantes, de la « boum » à la soirée « sélect », la seule constance : la P.A.F qui n’est rien d’autre que la participation aux frais.

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