GR Avesnois-Thiérache

À la suite d’un légère préparation physique, je peux envisager ce périple. Muni du guide topographique (une carte photocopiée où figure le tracé), la détermination de l’itinéraire m’est simplifiée au maximum. Il me reste à construire ma randonnée ; longueur des étapes, points d’arrêts, ravitaillement…

Le vendredi pascal, j’ai fini les préparatifs. Le sac à dos est bouclé (20 kg), les chaussures, la carte : tout est prêt. Le départ est pour le lendemain.

À Liessies, origine point de départ de l’itinéraire, je dois m’adapter au balisage: c’est mon premier G.R. Destination le Val-Joly, au cœur de la petite Suisse du Nord. Déjà, les premières constatations s’imposent: possibilité d’herboriser, d’observer les animaux, sensibilité aux bruits et au silence… Le lendemain, la pluie qui accompagne mon réveil, cesse lors du départ (pénible) ; je ne parcours que 2 km en 1 h, alors que ma moyenne est proche des 4 km/h.

Le chemin se dirige vers la Belgique. Le paysage (forêt) ne change pas ; il n’en est pas de même du café frontalier, véritable café belge. Malgré cet intermède belge, je retrouve rapidement les petites chapelles de pierre bleue. On les rencontre partout dans l’Avesnois, multiformes et dédiées à de nombreux saints.

Du bocage au plateau

Le terrain accidenté, garni de bois, cède la place au bocage vallonné du Solrésis. Toutefois, la litanie des animaux (écureuils, chevreuils, oiseaux…) et celle des fleurs continue et continuera chaque jour. Il en est ainsi jusqu’à Solre-le-Château où, sous la garde du clocher, des gens jouent au jeu rendu célèbre par le Serment, celui du jeu de paume.

Le temps est similaire à celui de la veille, toujours au réveil. Ce sera la dernière averse avant bien des jours. Le parcours me permet de quitter le Solrésis pour pénétrer sur le plateau annonçant la vallée de la Sambre. Au loin, déjà, une haute cheminée crache sa fumée, ainsi que la centrale électrique de Pont…

Ce jour-là, l’hébergement organisé est impossible (les deux premières nuits, je les ai passées dans des terrains de camping) ; il me faudra donc faire du camping sauvage. Pour rester dans les règles, il me faudra obtenir l’accord du propriétaire d’un terrain pour y installer ma tente.

Obrechies n’est pas très accueillant surtout un lundi de Pâques. Peu d’habitants sont présents, ou beaucoup font semblant d’être absents… À Damousies, village voisin, soit j’ai la chance d’arriver plus tard et de rencontrer rapidement le propriétaire d’un emplacement, soit la population est plus sympathique : on m’offrit une boisson en prime.

L’hébergement sera encore problématique à Éclaibes : le terrain de camping prévu est fermé définitivement. Heureusement, je rencontre le propriétaire du club hippique qui envisage d’ouvrir un camping. Je le teste avant création. Une fois la tente installée, je pars au ravitaillement, à quelques kilomètres. Les quatre jours précédents, j’ai vécu sur des réserves: il en sera ainsi chaque fin de semaine.

Avant d’arriver à Éclaibes (où je n’aurai pas d’aventures amoureuses comme Jeanne d’Éclaibes, ni comme la fille du Bey de Tunis qui furent châtelaines du château, aujourd’hui en ruine), j’ai successivement visité l’église la plus ancienne de la région, celle de Damousies, foulé les lieux de la bataille qui affermit la République, à Wattignies-la-Victoire, en 1793, croisé la civilisation routière (la RN 2), et périodiquement, comme la veille, je me suis embourbé à l’orée ou dans les bois.

Cette fois, je descends vers la Sambre dans sa partie industrielle, métallurgique plus précisément. Les cultures m’entourent lorsque j’arrive à Bachant, village rassemblé autour d’une église isolée au milieu d’un vaste pré communal. Après quoi je longe la Sambre pour apercevoir la tour de guet de Pont-sur-Sambre, avant d’atteindre Aymeries, plus célèbre par le passé que la ville à laquelle elle est rattachée aujourd’hui : Aulnoye.

C’est à Berlaimont, la ville au clocher à bulbe, siège du Bouzouc (dragon tué par Gilles de Chin) que je quitte la Sambre pour me retrouver au milieu des champs, sans balisage.

Je retrouve la verdure en pénétrant dans la forêt de Mormal. Dans cette forêt de chênes et de hêtres, de nombreux jeunes profitent des vacances pour se promener. Les scouts suivent une partie de mon trajet, je les rencontre seulement à Locquignol, petit village d’à peu près 100 km2, isolé au milieu de la forêt (le camping est cher : 18 F au lieu des habituels 10 F). Ce véritable château d’eau — la forêt — pose parfois des pro-blèmes lorsque l’on croise un des ruisseaux. Comment les passer ?

Toujours la forêt jusqu’à Preux-au-Bois, et même en bordure de la Sambre. Une Sambre, cette fois, « à la Ste-venson » (l’auteur écossais de « L’Île au trésor », effectua un voyage sur les canaux et rivières d’Anvers à Pontoise, en 1876, et passa ici même).

Landrecies, patrie du maréchal Clarke et de Dupleix, dont la statue domine la place, ne possède pas d’équipement pour loger les randonneurs (il en est ainsi jusqu’à Fourmies). Je camperai, suivant les conseils du curé, derrière le monument aux morts.

Ce monument, étant en bordure du canal, je n’ai pas loin pour reprendre ma marche le long du chemin de halage jusqu’à Catillon. Ce voyage me confirme la faible circulation des péniches : de 2 à 15 par jours. J’ai, de cette manière, quitté le pays de Mormal, pour passer dans le Cambrésis.

En sortant de Catillon, erreur de balisage ou mauvaise observation font que je suis une route parallèle. Qu’importe : du côté de la Sambre, le bocage et l’élevage ; de l’autre, l’open-field de culture ; deux paysages coupés par la route.

De Rejet de Beaulieu à Wassignie, le bocage reprend le dessus, en même temps que l’architecture évolue. Des maisons en brique ou en pierre bleue laissent la place aux maisons de torchis, à colombages. Je suis dans l’Aisne, dans la Thiérache.

La balade se poursuit à travers la forêt d’Andigny, pour descendre vers Hannapes. L’éclusier, à qui je demande où installer ma tente, pense que je suis Belge. Auparavant, on m’avait pris pour un Anglais. À croirE que les Français ne randonnent pas dans cette région. Pourtant, sur le G.R. 122, depuis Locquignol, la population est beaucoup moins surprise de me voir passer que celle des villages les jours précédents.

D’Hannapes à Leschelles, je prends conscience de la disparition des sentiers, par abandon ou par absorption. Je maudis ces fermiers qui connaissent le chemin de randonnée mais qui tentent de se l’approprier. Alors, le randonneur passera entre les fils de fer barbelé, au milieu d’un troupeau de vaches… et d’un taureau.

Après ce parcours du combattant, j’entre dans Leschelles. Le château du XVIIIe siècle impose sa puissance au village, et son ombre sur ma tente.

De ces lieux, le spectacle est total jusqu’à Boujon en passant par Buironfosse. Après, on quitte le G.R. 122, et rien ne va plus. Je me retrouve «planté» au milieu des bois, sans indications. Évidemment, je me trompe de route. Ce détour me permet de découvrir l’église fortifiée de Lerzy et une somptueuse vallée. Est-il normal de se tromper de chemin pour rencontrer une de ces églises aux allures de château qui font le charme de la Thiérache ?

Je poursuis ma route en direction de La Capelle. La nationale (toujours la 2) est bordée de maisons aux gens peu accueillants. Cela pose à nouveau le problème des agglomérations d’une certaine importance : il y a peu de fermes à proximité. Je dois me rendre à l’endroit où les plénipotentiaires allemands demandèrent la fin des hostilités en 1918, la pierre d’Haudroy, pour trouver un pré afin d’y poser la tente.

Pourquoi fait-on passer les randonneurs par ce tracé de Leschelles à Fourmies ? Ce n’est qu’une suite de problèmes pour eux. En fin de compte, c’est un terrain de Camping, à Fourmies, où le campeur est coincé entre le chemin de fer et une route, près des étangs des Moines ; de plus, même pas de douche – fut-elle froide– après 18 h !

La pluie est de retour lorsque je fais mes adieux à la ville du 1er mai 1891. Le balisage, excellent dans la forêt de Fourmies, s’effiloche rapidement, pour arriver à l’entrée d’une propriété privée, dans la haie d’Anor (une autre cause de la disparition des sentiers : leur privatisation).

Je suis la voie ferrée pour rallier Ohain ! Je rejoins Trélon sous la menace de l’orage, l’histoire de cette ville se confond avec celle de son château, la mienne aussi. Il n’existe plus de camping, ni de gîte d’étape dans la ville. A la gendarmerie, pas de solution. Après l’orage, les pompiers trouvent une idée : «L’étang du Hayon…». Un parking (cailloux recouverts d’herbes) qui appartient à la princesse de Mérode (cette famille occupe le château depuis 1562).

Maintenant, je traverse la Fagne qui annonce les premiers contreforts des Ardennes. Je rejoins Liessies au milieu de nombreux randonneurs (Parisiens ou Lillois). Le gîte d’étape est pratiquement plein.

Je termine, après 14 jours bien agréables. Toutefois, les contacts avec la population n’ont pas atteint mes espérances ; même si j’ai joui d’une certaine estime par rapport aux autres touristes.

3 thoughts on “GR Avesnois-Thiérache

  1. Fort interessant votre randonnée pour un anglais qui a passé dans ces lieux à la fin de la guerre et qui depuis n’y a jamais mit pied. Maintenant j’essaie de reconstruire la vie d’un soldat né à Catillon en 1905 et qui a tombé en 1940 en NOrmandie. Son pere travaillait à Catillon comme chauffeur et je me suis demandé s’il y avait des usines de textiles dans ce ville. En tout cas j’ai beaucoup aimé votre petite histoire.
    Kim James

  2. Votre expérience est d’autant plus intéressante que la région que vous avez traversée a l’ambition de miser sur le tourisme mais sans s’en donner les moyens. J’espère que vous avez écrit aux maires des communes sur lesquelles vous avez rencontré des difficultés de passage. Il leur appartient de faire respecter l’intégrité des sentiers de randonnée.
    Les conseils généraux méritent aussi d’être interpellés tant pour le respect de ces sentiers que pour les insuffisances d’accueil des randonneurs.
    H. Montana.
    Cavalier

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